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elle explique aussi l’impuissance de la raison à rejoindre elle-même ses propres débris.

Y a-t-il un remède ? S’il y a un remède, ce n’est pas de la raison qu’il convient de l’attendre, puisque sa propre impuissance lui est un mystère. Il y faut une seconde révélation, celle qui a été promise aux Juifs, qui leur a été donnée et dont ils n’ont pas su profiter ; il y faut le Messie rédempteur. Le Judaïsme était le règne de la loi, or la loi s’adresse aux corrompus qu’elle maintient dans la terreur du châtiment ; mais les chrétiens sont ceux qui tendent leurs mains et leur cœur vers le Libérateur. Quelle a donc été l’œuvre de la médiation ? Consiste-t-elle à avoir rendu à l’homme l’intégrité de sa nature, à lui avoir rouvert le chemin de la raison, à lui permettre de saisir la vérité suivant une méthode directe et par une pos session effective. C’est ce que pense un Malebranche, et il écrit : « L’homme renversé par terre s’appuie sur la terre, mais c’est pour se relever. Jésus-Christ s’accommode à notre faiblesse, mais c’est pour nous en tirer. La foi ne parle à l’esprit que par le corps, il est vrai ; mais c’est afin que l’homme n’écoute plus son corps,… c’est afin qu’il commence sur la terre à faire de son esprit l’usage qu’il en fera dans le ciel, où l’intelligence succédera à la foi, où le corps sera soumis à l’esprit, où la raison seule sera la maîtresse[1]. » Mais la religion de Pascal est exactement contradictoire à celle de Malebranche ; celui-ci est chrétien selon saint Jean, celui-là est chrétien selon saint Paul. À ses yeux, comme à ceux de saint Augustin ou de Jansénius, la vérité fondamentale du christianisme, qui

  1. Traité de morale, part. I, ch. v, § 13.