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taigne les cadres du dogmatisme antique ; il demande à la raison de définir tous ses termes et de justifier tous ses principes, de dire ce que c’est que est, avant d’affirmer l’être. Car il faut bien que la question soit ainsi posée pour qu’on se croie obligé de recourir à une autorité extérieure ; et c’est seulement à une question ainsi posée que pourra s’adapter la réponse de la révélation. Il est donc inévitable que la pensée propre à Pascal ne reparaisse plus après lui chez les philosophes mêmes qui se sont inspirés ou réclamés de son œuvre : un Vauvenargues, un Rousseau, un Jacobi élèvent le sentiment au-dessus de la raison ; un Kant et un Schopenhauer cherchent, l’un dans le respect de la loi, l’autre dans le renoncement à vivre, le remède à leur pessimisme radical ; un Renouvier ou un Secrétan placent à la base de toute certitude une sorte de pari où est engagée la responsabilité de la per sonne tout entière ; mais tous se heurtent à la pierre angulaire du christianisme selon Pascal, puisque tous se refusent à la négation de la liberté morale chez l’homme.

Cette pensée s’est-elle du moins conservée à l’intérieur de la religion même ? Elle étonnait M. de Saci, elle a troublé les éditeurs de 1670. Qui la reprendra au xviiie siècle ? lorsque Voltaire s’attaque au « géant », qui se chargera de lui faire remarquer qu’il se satisfait bien facilement à ne pas apercevoir la réalité de la misère de l’homme et la duplicité de sa nature ? les jansénistes sont tout entiers aux miracles du cimetière Saint-Médard ; ils laissent ce soin à un ministre protestant réfugié en Hollande, M. Boullier[1]. Qui répondra plus tard à l’édition de Condorcet ? il faut attendre Chateaubriand, et qui explique

  1. Vide supra, p. xxvii.