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ruine à son tour la Scolastique, en renversant la raison naturelle dont elle avait fait le critérium de la vérité théologique pour rétablir les droits de l’autorité. Qui dit philosophie, dit raison ; qui dit théologie, dit autorité. C’est pour avoir interverti les deux ordres et les deux principes que la Scolastique tombe en même temps sous une double condamnation, ainsi que le montre Pascal dans un fragment de préface au Traité du vide, qui est tout pénétré du souvenir de Jansénius. Parmi nos connaissances, écrit Pascal « il faut considérer que les unes dépendent seulement de la mémoire et sont purement historiques, n’ayant pour objet que de savoir ce que les auteurs ont écrit ; les autres dépendent seulement du raisonnement, et sont entièrement dogmatiques, ayant pour objet de chercher et découvrir les vérités cachées… L’éclaircissement de cette différence doit nous faire plaindre l’aveuglement de ceux qui apportent la seule autorité pour preuve dans les matières physiques, au lieu du raisonnement ou des expériences ; et nous donner de l’horreur pour la malice des autres, qui emploient le raisonnement seul dans la théologie au lieu de l’autorité de l’Écriture et des Pères ».

Aussi, dès le premier livre de l’Augustinus, la condamnation de Pelage est-elle présentée par Jansénius comme la condamnation de la philosophie : « La première origine de toute l’hérésie de Pelage et de tous les ennemis de la Grâce, c’est la Philosophie. » Par Origène, la doctrine remonte aux Stoïciens : de part et d’autre, c’est la même confiance dans la nature, la même exaltation de la liberté propre à l’homme ; par suite le même orgueil qui se met au-dessus de la Grâce, qui rend inutile la croix du Christ, qui, sans qu’un Médiateur Fait rachetée, érige la créature en Dieu. Si l’homme est libre, il n’y a plus de libérateur à chercher ; si la nature est sauve, le sauveur