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Molinistes.

En haine de cette opinion abominable et des excès qu’elle enferme, les Molinistes ont pris un sentiment non seulement opposé, ce qui suffisoit, mais absolument contraire. C’est que Dieu a une volonté conditionnelle de sauver généralement tous les hommes. Que pour cet effet J.-C. s’est incarné pour les racheter tous sans en excepter aucun, et que ses grâces estant données à tous, il dépend de leur volonté et non de celle de Dieu, d’en bien ou d’en mal user. Que Dieu ayant preveu de toute éternité le bon ou le mauvais usage qu’on feroit de ces grâces par le seul libre arbitre sans le secours d’une grâce discernante, a voulu sauver ceux qui en useroient bien, et damner ceux qui en useroient mal, n’ayant pas eu de sa part de volonté absolue ny de sauver, ny de damner aucun des hommes.

Cette opinion, contraire à celle des Calvinistes, produit un effet tout contraire. Elle flatte le sens commun que l’autre blesse. Elle le flatte en le rendant maistre de son salut ou de sa perte. Elle exclud de Dieu toute volonté absoluë, et fait que le salut et la damnation procèdent de la volonté humaine, au lieu que dans celle de Calvin l’un et l’autre procèdent de la volonté divine.

Voilà quelles sont les erreurs contraires entre lesquelles les disciples de saint Augustin, marchant avec plus de retenuë et de considération, établissent leur sentiment de la sorte :