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ŒUVRES

ouvrage estoit prest, il le pouvoit faire paroistre deux ou trois mois avant qu’aucun autre. Qu’ainsi, estant le premier de si loin, il n’y auroit que luy dont il fust certain qu’il ne tinst ses inventions de personne : et enfin on luy dit alors, en sa faveur, tout ce qu’on avoit dit contre luy en l’autre occasion.

Ces raisons estoient les meilleures du monde ; mais il en avoit une invincible qui le forçoit à n’y point consentir, et à mander encore qu’il estoit resolu de ne rien produire qu’apres moy. Cette responce fut receuë de la maniere qu’on peut penser, et on delibera là dessus de ne le plus flatter ; de sorte qu’on luy escrivit nettement : Que son procedé n’estoit pas soutenable ; qu’on luy donnoit avis de la defiance où l’on estoit de luy ; qu’apres avoir donné un faux calcul, il estoit engagé d’honneur de se haster de donner le veritable, s’il l’avoit ; mais que de demeurer si long-temps sans le faire, apres tant de defis, et de n’en vouloir point produire avant que d’avoir veu les solutions d’un autre, c’estoit montrer aux moins clair-voyans qu’il n’en avoit point ; et qu’ainsi on luy declaroit pour la derniere fois qu’il devoit envoyer avant le premier Janvier, ou ses methodes, ou ses calculs ; et, s’il ne vouloit pas les donner à descouvert, qu’au moins il les donnast en chiffre ; que cet expedient ne pouvoit estre refusé, sous quelque pretexte que ce fust ; que c’estoit la maniere la plus seure et la plus ordinaire dont on se servist en ces rencontres pour s’assurer l’honneur d’une invention sans que personne en peust profiter ;