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FACTUM POUR LES CURÉS DE PARIS. — INTRODUCTION 273

demande que nous les secourions en cette persécution que j'estime la plus cruelle de toutes celles que la Société ait jamais souffertes.

Les plus cruels supplices ne sont pas tousjours ceux que Ton endure dans les bannissemens, sur les gibets et sur les roues. Le supplice qu'on a fait souffrir à des Martyrs que l'on frottoit de miel, pour après les exposer aux piquures des guespes et bourdons, a esté plus cruel que beaucoup d'autres, qui semblent plus horribles, et qui font plus de com- passion. La persécution qu'ont souffert les Jésuites par les bouffonneries de Port-Royal a quelque chose de semblable, leurs tyrans ont fait l'instrument de leur suplice, des dou- ceurs empoisonnées d'un enjouement cruel, et on les a aban- donnés et laissés exposés aux piquures sanglantes delà calom- nie. On a semé ces satyres outrageuses par toute la France, comme pour sonner le tocsin à tout ce qu'il a de langues médisantes, afin qu'elles vinssent fondre sur eux. Je ne doute point que les bannissemens et les martyres mesme n'ayent esté moins fascheux et plus aisez à supporter, que l'aban- donnement que cette société s'est veuë contrainte de souffrir parmy ces railleries. Cardans les éloignemens ces Pères es- toient accueillis avec honneur dans les Provinces qui les re- cevoient. On y respectoit leur patience etleur mérite, et on les a rappelles avec témoignage d'estime, et avec démonstration de regret de ce qui s'y estoit passé. Nous avons veu cela cette année dans tout l'Estat de la Serenissime République de Venise, où ces Pères ont esté reçeus de tous les habitans des villes avec autant de tendresse, que des en fans en témoigne- roient à leurs propres pères, qui retourneroient de quelque long voyage : au lieu qu'en cette rencontre quelque conte- nance qu'ils tiennent, on les traitte mal ; s'ils se taisent, leur silence se tourne en risée, et s'ils répondent, on dit qu'ils recommandent la patience aux autres, et qu'eux-mesmes ne sçauroient dissimuler une gausserie. Us ressentent dans cette persécution ce qui affligea le plus ce miroir de patience sur son fumier. Tout le monde sçait bien que la patience de Job 2*" série. IV i8

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