Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivre un procedé si injuste, et qui veuillent contraindre de signer, comme vous le souhaittez, Que l’on condamne ces Propositions au sens de Jansenius, sans expliquer ce que c’est que ce sens de Jansenius. Peu de gens sont disposez à signer une confession de foy en blanc. Or [1]ce seroit en signer une, que vous rempliriez ensuite de tout ce qu’il vous plairoit ; puisqu’il vous seroit libre d’interpreter à vostre gré ce que c’est que ce sens de Jansenius qu’on n’auroit pas expliqué. Qu’on l’explique donc auparavant : autrement vous nous feriez encore icy un pouvoir prochain abstrahendo ab omni sensu[2]. Vous sçavez que cela ne reüssit pas dans le monde. On y haït l’ambiguité, et surtout en matiere de foy, où il est bien juste d’entendre pour le moins ce que c’est que l’on condamne. Et comment se pourroit-il faire que des Docteurs, qui sont persuadez que Jansenius n’a point d’autre sens que celuy de la grace efficace, consentissent à declarer qu’ils condamnent sa doctrine sans l’expliquer : puisque dans la creance qu’ils en ont, et dont on ne les retire point, ce ne seroit autre chose que condamner la grace efficace, qu’on ne peut condamner sans crime. Ne seroit-ce donc pas une

  1. B. [c’en] seroit signer une [en blanc, qu’on rempliroit] ensuite. — A l’assemblée du Clergé du 4 septembre 1656, l’abbé de Bernay, député du second ordre, protesta contre le formulaire, et dit « qu’il estoit plus à propos que l’on fist signer un papier en blanc, et que ces Messieurs les Commissaires y mettroient aprés tout ce qu’il leur plairoit » (apud Hermant, Mémoires, T. III, p. 141).
  2. Allusion à une discussion de la première Provinciale, cf. supra T. IV, p. 141 sq.