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pour la verité ces deux sentimens d’amour et de crainte, et que leur sagesse est toute comprise entre la crainte, qui en est le principe, et l’amour, qui en est la fin, les Saints ont aussi pour l’erreur ces deux sentimens de haine et de mépris, et leur zele s’employe également à 1 repousser avec force la malice des impies, et à confondre avec risée leur égarement et leur folie.

Ne pretendez donc pas, mes Peres, de faire 2 accroire au monde que ce soit une chose indigne d’un chrestien de traiter les erreurs avec moquerie, puisqu’il est aisé de faire connoistre à ceux qui ne le sçauroient pas, que cette pratique est juste, qu’elle est commune aux Peres de l’Eglise, et qu’elle est autorisée par l’Escriture, 3 et par l’exemple des plus grands Saints, et 4 de Dieu mesme.

Car ne voyons-nous pas que Dieu hait et méprise les pecheurs tout ensemble, jusques là mesme qu’à l’heure de leur mort, qui est le temps où leur estat est le plus deplorable et le plus triste, la sagesse divine joindra la moquerie et la risée à la vengeance et à la fureur qui les condamnera à des supplices eternels. 5 In interitu vestro ridebo et subsannabo. Et les Saints agissans par le mesme esprit en useront de

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1. P. [pousser].

2. A. [à croire].

3. B. et, manque.

4. B. [par celuy].

5. W. Prov. I. 26. — Cette citation est empruntée à la lettre d’Arnauld, cf. supra p. 286.