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ONZIÈME PROVINCIALE 309

souvent une chose si peu raisonnable? Et ne craignez-vous point, en me blasmant de m’estre moqué de vos égaremens, de me donner un nouveau sujet de me moquer de ce reproche, et de le faire retomber sur vous-mesmes en monstrant que je n’ay pris sujet de rire, que de ce qu’il y a de ridicule dans vos livres; et qu’ainsi en me moquant de vostre Morale, j’ay esté aussi éloigné de me moquer des choses saintes, que la doctrine de vos Casuistes est éloignée de la doctrine sainte de l’Evangile.

En verité, mes Peres, il y a bien de la difference entre rire de la Religion, et rire de ceux qui la profanent par leurs opinions extravagantes. Ce seroit une impieté de manquer de respect pour les veritez que l’esprit de Dieu a revelées : mais ce seroit une autre impieté de manquer de mépris pour les faussetez que l’esprit de l’homme leur oppose.

Car, mes Peres, puisque vous m’obligez d’entrer en ce discours, je vous prie de considerer, que comme les veritez chrestiennes sont dignes d’amour et de respect, les erreurs qui leur sont contraires sont dignes de mépris et de haine ; parce qu’il y a deux choses dans les veritez de nostre Religion ; une beauté divine qui les rend aimables, et une sainte majesté qui les rend venerables 1 ; et qu’il y a aussi deux choses dans les erreurs ; l’impieté qui les rend horribles, et l’impertinence qui les rend ridicules.

2 Et c’est pourquoy comme les Saints ont toûjours

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1. Cf. Pensées, fr. 187, T. II, p. 98.

2. B. Et, manque.