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ONZIÈME PROVINCIALE. — INTRODUCTION 285

qui se rit et se moque aussi legitimement des choses vaines et ridicules, comme il est touché d’indignation pour les méchantes et les criminelles. Rideam vanitatem, an exprobrem cæcitatem ? dit Tertullien (ad nationes lib. 2. c. 12.) [p. 332].

Le Prophete Jeremie escrit : Ses œuvres sont vaines et dignes d’estre RAILLIEES ET MOQUEES (Jerem. c. 51 . v. 18.). Et dans cette fameuse épreuve de l’impuissance des faux Dieux adorez par Achab Roy d’Israël, et de la puissance du vray Dieu adoré par le Roy de Juda, et soustenüe par Elie contre tous les faux Prophetes : lors que ce saint Prophete vid, qu’ils avoient invoqué leur Baal depuis le matin jusques à midy, et que Baal n’estoit point venu, pour faire tomber le feu du ciel sur le Sacrifice dressé sur l’autel, il commença, dit l’Escriture (3. Reg. 18.27.). à LES RAILLER et à LES JOÜER, en leur disant :

Criez plus haut. Car peut-estre que ce Dieu ne vous entend pas à cause qu’il parle à d’autres, ou qu’il est dans une hostellerie, ou en chemin, ou qu’il dort et ne peut estre reveillé que par un grand bruit. ILLUDEBAT ILLIS ELIAS dicens : Clamate voce majore. Deus enim est, et forsitan loquitur : aut est in diversorio, aut in itinere, aut certè dormit, ut excitetur. Le Prophète Daniel (c. 14. v. 18.) se rit et se moque devant le Roy d’un artifice grossier, dont luy et ses peuples avoient esté trompez jusques alors. Et RISIT DANIEL, et tenuit Regem ne ingrederetur intro, au raport de l’Escriture [p. 312].

C’est la Sagesse de Dieu mesme qui est le premier modele de ces ris des Prophetes et des Saints. Car nous voyons dans la Genese que Dieu, voulant faire voir à Adam et à Eve, combien leur pretention d’estre comme des Dieux, ou comme Dieu, avoit esté vaine, dit d’eux en les chassant du Paradis : Voila l’homme qui est devenu comme l’un de nous. Ce qui estoit un reproche piquant, dit saint Chrysostome (in genes. hom.18.), dont Dieu vouloit percer profondement les violateurs de son ordonnance. C’est une ironie, dit le mesme Pere (hom. 31. in Matth.), et apres luy les Interpretes Hebreux (Vatabl. Mercer.) C’est une ironie sanglante et sensible, escrit Rupert (in genes, lib. 3. c. 38.), telle que sont celles dont use Dieu dans