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gratitude. D’autres croyent, que cette obligation est, pour le temps, auquel nous sommes griefvement tentés. Ouy, en cas, qu’il n’y eust que cette voye, pour fuir la tentation. Il y en a qui la renvoient à l’extremité de la vie. On leur oppose le peu d’apparence qu’il y a qu’un si grand commandement ne nous fust donné, que pour y obeïr si tard. Je ne serois pas non plus d’opinion à croire, qu’en chaque reception ou collation de quelque Sacrement, il fallût de necessité exciter en nous cette saincte flamme d’amour, pour y consommer le peché, dont nous serions coupables. L’attrition y est suffisante, avec effort pour la contrition, ou avec la confession, qui en a la commodité.... Suarez respond que nous sommes obligez d’aimer Dieu en quelque temps; mais en quel temps ? il vous en fait juge, et n’en sçait rien : Quelqu’autre en diroit bien autant, et s’il ne nous resoudroit pas beaucoup.

Et neantmoins ce que ce docteur ne sçait point, je ne sçay qui le sçait. S’il y a commandement d’aimer, il oblige de son chef à son observation. Qui demanderoit : Et sa transgression à quoy oblige-elle? Pecheroit-il mortellement, contre ce precepte, qui n’exerceroit jamais d’acte interne d’amour ? Je n’oserois ny le dire, ny le dedire de moy-mesme. S. Thomas 2. 2. q. 44. a.6. semble respondre que non.... Si c’est la doctrine de S. Thomas, comme il semble que ce l’est; je dirois volontiers soubs son autorité ; que Dieu nous commandant de l’aimer, se contente au fonds, que nous luy obeïssions en ses autres commandements [p. 270 sq.].

p. 18.... Il est donc dit, que nous aimerons Dieu, mais effectivement, opere et veritate, faisants sa volonté, comme si nous l’aimions affectivement ; comme si son amour sacré brusloit nos cœurs; comme si le motif de la charité nous y portoit. S’il le faict reellement, encore mieux. S’il ne le faict, nous ne laissons pas pourtant d’obeïr en rigueur au commandement d’amour, en ayants les œuvres. De façon que; voyés la bonté de Dieu; il ne nous est pas tant commandé d’aimer, que de ne point haïr ; soit formellement, par haine actuelle ; ce qui seroit bien diabolique;