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DE L'ESPRIT GÉOMÉTRIQUE 259

C'est une maladie naturelle à l'homme, de croire qu'il possède la vérité directement ; et de là vient qu'il est toujours disposé à nier tout ce qui luy est incompréhensible ; au lieu qu'en effet il ne connoist naturellement que le mensonge, et qu'il ne doit prendre pour véritables que les choses dont le con- traire lui paroist faux. Et c'est pour quoy, toutes les fois qu'une proposition est inconcevable, il faut en suspendre le jugement et ne pas la nier à cette marque, mais en examiner le contraire ; et si on le trouve manifestement faux, on peut hardiment affir- mer la première, tout incompréhensible qu'elle est. Appliquons cette règle à nostre sujet.

Il n'y a point de géomètre qui ne croye l'espace divisible à l'infini. On ne peut non plus l'estre sans ce principe qu'estre homme sans ame. Et neantmoins il n'y en a point qui comprenne une division infi- nie ; et l'on ne s'asseure de cette vérité que par cette seule raison, mais qui est certainement suffisante, qu'on comprend parfaitement qu'il est faux qu'en divisant un espace on puisse arriver à une partie indivisible, c'est à dire qui n'ait aucune estendue.

Car qu'y a-t-il de plus absurde que de prétendre qu'en divisant toujours un espace, on arrive enfin à une division, telle qu'en la divisant en deux, cha- cune des moitiez reste indivisible et sans aucune

��divisé à l'infiny, ce qu'estant supposé, un grain de sable seroit aussy gros que toute la terre, puisqu'il auroit aussi bien une infinité de parties comme elle, car un infini n'est pas plus grand qu'un autre infini» (Voir le développement de l'argument sceptique contre l'infini, ibid., p. 734 sqq.).

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