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XLIV INTRODUCTION

profanes et qu’elle paraît encore d’ordre humain en comparaison de la religion qui seule à ses yeux est sacrée.

En 1656 une pareille attitude a l’apparence d’une gageure : le P. Thomassin de l’Oratoire, que Pascal jugeait terriblement savant, trouvait Pascal bien ignorant 1 . Le P. Rapin est scandalisé: « C’était, dit-il de l’auteur des Provinciales, un philosophe qui avait bien du génie; mais aucune teinture de la théologie scolastique où il décide en docteur 2 . » Nous retrouvons ici la même invincible habitude d’esprit, qui empêche les Jésuites de comprendre Pascal: de son autorité privée, le P. Rapin affuble Pascal d’une robe de docteur, il l’introduit à l’intérieur de l’Ecole, et il triomphe de la contradiction où il place ainsi son adversaire. En fait le scandale est plus grand que le P. Rapin n’était capable de l’imaginer: Pascal décide, non pas en docteur, mais, contre les docteurs de l’École, en savant qui a lu Gassendi et Descartes, qui a pratiqué dans les mathématiques et dans la physique la méthode de démonstration conforme à la raison, en chrétien qui a médité l’ Augustinus, et qui puise sa foi aux sources mêmes de la révélation et de l’inspiration, dans les textes sacrés et dans la doctrine des Pères. Il nie que les commentaires sur les écrits d’Aristote aient rien à faire, soit avec la vérité scientifique qui relève de l’expérience seule, soit avec la vérité religieuse qui est toute dans les livres saints, dans la vie de l’Église, dans l’intervention miraculeuse de Dieu. Rien de plus net, à cet égard, que le fragment qui nous a été conservé d’une Préface destinée au Traité du Vide : Pascal dénonce la double corruption qui a substitué, en matière

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1. Voir l’anecdote racontée par l’abbé d’Etemare, infra p. 23, n. I.

2. Mémoires, édition Aubineau, T. III, p. 361