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264 OEUVRES

moigne hautement qu’ils n’ont pas toûjours la connoissance des pechez qu’ils commettent chaque jour selon l’Escriture 1 .

Et il est si 2 veritable que les Justes pechent en cette sorte, qu’il est rare que les grands Saints pechent autrement. Car comment pourroit-on concevoir que ces ames si pures qui fuyent avec tant de soin et d’ardeur les moindres choses qui peuvent déplaire à Dieu aussi-tost qu’elles s’en aperçoivent, et qui pechent neantmoins plusieurs fois chaque jour, eussent à chaque fois avant que de tomber, la connaissance de leur infirmité en cette occasion; celle du Medecin, le desir de leur santé, et celuy de prier Dieu de les secourir, et que malgré toutes ces inspirations, ces ames si zelées ne 3 laissassent pas de passer outre, et de commettre le péché ?

Concluez-donc, mon Pere, que ny les pecheurs, ny mesme les plus justes n’ont pas toujours ces connoissances, ces desirs, et toutes ces inspirations toutes les fois qu’ils pechent, c’est à dire pour user de vos termes, qu’ils n’ont pas toûjours la grace actuelle dans toutes les occasions où ils pechent. Et ne dites plus avec vos nouveaux auteurs qu’il est impossible qu’on peche quand on ne connoist pas la justice; mais dites plustost avec S. Augustin, et les anciens Peres qu’il est impossible qu’on ne peche

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1. Prov. XXIV, 16: Septies enim cadet justus.

2. B. [vray].

3. P. [laissent].