Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/361

Cette page n’a pas encore été corrigée

QUATRIÈME PROVINCIALE 255

Et si toutes ces choses ne se passent dans l’ame, dit le Jesuite, l’action n’est pas proprement peché et ne peut estre imputée, comme M. le Moyne le dit en ce mesme endroit, et dans toute la suitte.

En voulez-vous encore d’autres autoritez ? en voicy : Mais toutes modernes, me dit doucement mon Janseniste. Je le voy bien, dis-je, et en m’adressant à ce Pere, je luy dis. O mon Pere, le grand bien que voicy pour des gens de ma connoissance, il faut que je vous les amene. Peut-estre n’en avez-vous gueres veu qui ayent moins de pechez, car ils ne pensent jamais à Dieu ; les vices ont prevenu leur raison : Ils nont jamais connu ny leur infirmité, ny le Medecin qui la peut guerir. Ils n’ont jamais pensé à desirer la santé de leur ame, et encore moins à prier Dieu de la leur donner : de sorte qu’ils sont encore dans l’innocence 1 baptismale, selon M. le Moyne. Ils nont jamais eu de pensée d’aymer Dieu, ny d’estre contrits de leurs pechez, de sorte que selon le P. Annat, ils n’ont commis aucun peché par le defaut de Charité et de Penitence : leur vie est dans une recherche continuelle de toutes sortes de plaisirs, dont jamais le moindre remords n’a interrompu le cours. Tous ces excez me faisoient croire leur perte assurée. Mais, mon Pere, vous m’apprenez, que ces mesmes excez rendent leur salut assuré. Beny soyez-vous mon Pere, qui justifiez ainsi les gens. Les autres apprennent à guerir les âmes par des austeritez pénibles : mais vous

_____________________________________________________________

1. B. [du baptesme].