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QUATRIÈME PROVINCIALE. — INTRODUCTION 241

ne se pouvoir dire, sans excuser dans les justes la plus grande partie des péchez, dont les vrays sentimens de la pieté Chrestienne les obligent de se reconnoistre coupables... [p. 261 sq.].

Il faut que ceux qui s’imaginent que les Justes ne tombent jamais dans aucun peché qu’ils n’ayent une grace suffisante 1 pour ne point pecher, et que cette grace suffisante est une inspiration de Dieu qui leur donne la pensée de le prier, ou ne s’estudient gueres eux-mesmes, et ne fassent gueres de reflexion sur ce qui se passe dans leur esprit : ou qu’ils se croyent bien innocens s’ils se persuadent n’avoir à rendre conte à Dieu, que des pechez qu’ils font en resistant à la pensée et au mouvement qu’ils auroient eu d’implorer la grace. Car combien les plus Justes font-ils tous les jours des fautes par ignorance, ou par surprise: ... la pluspart de leurs fautes venant de surprise et d’infirmité, qui les fait plutost tomber qu’ils n’y ont pris garde, ou d’ignorance de defaut de lumiere, qui les engage dans des actions qu’ils croyent bonnes, et que souvent apres ils reconnoissent n’avoir pas esté agreables à Dieu... [p. 261 sq.].

Si M. Le Moine est exempt de ces foiblesses ; s’il est tellement esclairé, qu’il ne fasse jamais de faute par ignorance ; s’il ne manque jamais de ressentir en luy-mesme quelque mouvement de prier Dieu toutes les fois qu’il se trouve en quelque occasion de l’offenser: s’il ne s’est jamais veu... émeu par une promptitude de colere.... sans estre pressé interieurement d’avoir recours à Dieu par la priere ; nous ne luy envierons pas un bon-heur si rare, et nous prierons Dieu qu’il en use bien [p. 262].

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1 . Arnauld définit cette grâce « une inspiration de Dieu qui esclaire l’entendement par quelque bonne pensée, et qui reveille la volonté par quelque bon mouvement » (ibid., p. 1051). Il cite aussi (p. 963) la définition de M. Le Moine: « dans ses Escrits, Qu. III. art. 2 ». Gratia operans (la grâce actuelle opérante) nihil est aliud quam subitus et indeliberatus motus intellectus et voluntatis, quo homo excitatur ad bonum [p. 250].

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