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34 ŒUVRES

estes icy comme un acteur, et que vous joüez le personnage d’une comedie, tel qu’il plaist au maistre de vous le donner. S’il vous le donne court, joüez-le court ; s’il vous le donne long, jouez-le long, s’il veut que vous contrefaisiez le gueux, vous le devez faire avec toute la naïveté qui vous sera possible ; ainsi du reste. C’est vostre faict de jouer bien le personnage qui vous est donné ; mais de le choisir, c’est le faict d’un autre. Ayez tous les jours devant les yeux la mort et les maux qui semblent les plus insupportables ; et jamais vous ne penserez rien de bas, et ne desirerez rien avec excés.

« Il montre aussi en mille manieres ce que doit faire l’homme. Il veut qu’il soit humble, qu’il cache ses bonnes resolutions, surtout dans les commencemens, et qu’il les accomplisse en secret : rien ne les ruine davantage que de les produire 1 . Il ne se lasse point de repeter que toute l’estude et le desir de l’homme doit estre de reconnoistre la volonté de Dieu et de la suivre 2 .

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qu’il vous sera possible : Si le boiteux, le Prince, le particulier; car c’est vostre fait de joüer bien le personage qui vous est donné : mais de le choisir, c’est le fait d’un autre. » — Ch. 26 [21] : « Ayez tous les jours devant les yeux la mort, le bannissement et tout ce qui semble terrible et fascheux, mais principalement la mort; et jamais vous ne penserez rien de bas, ni ne desirerez jamais rien excessivement. »

1. Manuel, ch. 60-61 [46-47] : « Ne dites jamais que vous soyez Philosophe, et ne parlez pas beaucoup de vos maximes et preceptes parmi le vulgaire.... Aussi ne devez-vous pas tout incontinent faire parade au vulgaire de vos préceptes et enseignemens....Si vous avez le corps attenué par abstinence, ne vous en glorifiez pas. Et si vous ne beuvez que de l’eau, n’allez pas dire à tout propos, je ne boy que de l’eau....»

2. Manuel, ch. 68 : « Trois sentences qu’il faut toujours avoir en bouche. En toute rencontre ayez cette priere à la bouche.

Mon Dieu conduisez-moy et vous puissant Destin,

Tout ainsi qu’il vous plaist que je face ou je vive,

Je vous suivray content et de gré, car en fin

Pour meschant que je soy, si faut-il que je suive. »