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RELATION DE JACQUELINE PASCAL 65

souhaitter, c'a esté de ne pas tout perdre, et c'est parlicu- lierement pour conserver le peu qui m'en est resté, que je vous envoyé ce petit escrit, comme une relique qui ne laisse pas d'estre bien précieuse, quoy qu'elle ne 'Soit qu'une petite parcelle d'un grand tout.

Elle me dit d'abord avec une sévérité toute pleine de douceur: « Je ne puis assez m'estonner, ma fille, de vous veoir dans la foiblesse où vous estes, pour une chose de rien. Vous me surpristes tellement hier, quand vous me dites que vous estiez triste, que je ne sçaurois assez vous le dire. Car je croyois asseurement que vous aviez oublié tout cela, et que les choses estant demeurées dans les termes où elles sont, vous n'y pensiez plus, puisque vous n'avez plus rien à faire. Je vous asseure que je ne sçavois ce que vous vouliez dire ; il me fallut un peu de temps pour le deviner et pour me remettre toute cette afiaire dans l'esprit.

L'abattement où j'estois ne fut pas assez grand pour m'empescher d'admirer en moy-mesme^ le grand déga- gement qui paroissoit dans ce prompt oubly. Car vous vous souvenez bien, ma Mère, que toute cette affaire n'avoit esté sceiie et vuidée que le jour précèdent; cepen- dant elle n'y pensoit desja plus, pour faire veoir combien elle tenoit tout cela dans une véritable indifférence, et avec quelle sincérité elle avoit voulu que je me démisse de toutes choses, regardant cette affaire comme terminée par ce moyen, et comme une chose à quoy il n'estoit plus besoin de songer. Mais moy, qui estois bien esloignée d'une si grande vertu, je ne luy peus repondre que par les larmes. De quoy s'appercevant, elle me dit : « Pour- quoy pleurez- vous de cela ? Ou bien pourquoy ne vous affli-

I. « un si prompt oubly ».

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