Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/73

Cette page n’a pas encore été corrigée

RELATION DE JACQUELINE PASCAL 57

moyens de me tirer de peine, au lieu de perdre le temps il s'en affliger ; adjoutant avec sa bonté ordinaire que si la chose se gouvernoit par son avis, elle seroit bien tost et bien aisément terminée, que je laisserois là toutes mes affaires telles qu'elles estoient pour ne penser plus qu'à faire profession sans m'inquieter de rien.

Elle adjousta plusieurs autres ^ choses ; et ^ meslant la raillerie avec le sérieux, afin de ne rien oublier qui peust adoucir la douleur où j'estois, elle disoit qu'il seroit honteux à la Maison et incroyable à ceux qui la connoissent, s'il estoit dit qu'une novice receuë à la profession fust capable d'estre affligée de quoy que ce soit ; mais beaucoup plus si on sçavoit que c'est de se veoir réduite à estre receuë pour rien. Et^ sur cela, rentrant dans le sérieux, elle s'efforça de me faire comprendre comme quoy c'estoit la chose la plus avantageuse qui me peust arriver, et que nostre Mère n'eut rien tant désiré que d'avoir esté libre de faire ce qu'elle auroit voulu en se faisant professe, afin de pou- voir donner tout son bien aux pauvres, et puis d'estre re- ceuë par charité dans une maison inconnue. Et, pouroster à ma douleur tout prétexte de justice, elle tascha de me faire veoir que c'estoit aussy non seulement le plus honnorable, mais mesme le plus utile pour la Maison, et que si la cha- rité qu'on doit au prochain nous deffend qu'on désire qu'il nous fasse des injustices, celle qu'on doit à soy mesme se resj ouït quand il nous en fait, et qu'il n'y a point d'avan- tage temporel qui puisse estre comparé à celuy là, parce qu'il n'y a rien de plus profitable à la religion que la vraye

��1. « belles ».

2. « me parlant ensuite avec plus de gayeté pour ne rien ou- l)lier. »

3. « ensuite elle s'efforça. »

�� �