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LETTRE A LA SERENISSIME REYNE DE SUEDE

Madame, Si j'avois autant de santé que de zèle, j'irois moy- mesme présenter à Vostre Majesté un ouvrage de plusieurs années, que j'ose luy offrir de sy loin; et je ne souffrirois pas que d'autres mains que les miennes eussent l'honneur de le porter aux pieds de la plus grande princesse du monde. Cet ouvrage, Madame, est une machine pour faire les règles d'arithmétique sans plume et sans jetons. Vostre Ma- jesté n'ignore pas la peine et le temps que coûtent les productions nouvelles, surtout lorsque les inven- teurs les veulent porter eux mesmes à la dernière perfection ; c'est pour quoy il seroit inutile de dire combien il y a que je travaille à celle-cy ; et je ne peux mieux l'exprimer qu'en disant que je m'y suis attaché avec autant d'ardeur que si j'eusse preveu qu'elle devoit paroistre un jour devant une personne si auguste. Mais, Madame, si cet honneur n'a pas esté le véritable motif de mon travail, il en sera du moins la recompense, et je m'estimeray trop heu- reux si, ensuitte de tant de veilles, il peut donner à Vostre Majesté une satisfaction de quelques moments. Je n'importuneray pas non plus Vostre Majesté du particulier de ce qui compose cette machine : si elle en a quelque curiosité, elle pourra se contenter

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