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LETTRE ESCRITE DE SUEDE A M PASCAL PAR M. BOURDELOT

��Vous escrivés merveilleusement bien pour un philosophe et pour un homme qui voit que le courrier va partir. Il faut avoir un esprit comme le vostre et que rien n'estonne. Sa Majesté a lu vostre lettre ; vous vouliez bien que je la luy montrasse, puisqu'elle parloit tant d'elle. La Reyne se trouve bien louëe de ce que vous m'avez escrit qui la regarde, et moy je me trouve trop loue. Je ne suis pas d'une si haute exaltation que vous dites ; l'amitié que vous avez pour moy doit avoir aliéné vos sentiments, les miens seront pour vous éternellement les mesmes. Je les ay fait savoir à la Reyne, et toute la terre en sera instruite. Vous estes l'esprit le plus net et le plus pénétrant que j'aye jamais vu. Avec l'assiduité que vous avez au travail, vous passerés esgallement les anciens et les modernes, et laisse- rez à ceux qui vous suivront une merveilleuse facilité d'apprendre. Vous estes l'ennemi déclaré de la vaine gloire, du galimatias et des énigmes, et quand vous parlés vous inspirés des connoissances avec tant de douceur que l'esprit a plaisir de les suivre, et déteste en un moment les opinions qu'il avoit contraires aux vostres. Je haïs les sentiments violents qui s'impriment dans l'imagination à force de chicanneries et de sophismes. Ce sont des séduc- tions dont l'ame fait une abjuration avec grande joye, des qu'elle s'aperceoit qu'elle a esté trompée ; vous estes un de ces génies que la Reine cherche ; elle ayme la clarté dans les raisonnements, et des preuves solides mieux appuyées

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