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ŒUVRES

tuyau de verre de quarante six pieds de haut, ouvert par un bout, et scellé hermetiquement par l’autre, qu’il remplit d’eau ou plûtost de vin rouge pour estre plus visible et l’ayant fait élever en cet estat en bouchant l’ouverture, et poser perpendiculairement à l’horison, l’ouverture en bas estant dans un vaisseau plein d’eau et enfoncée dedans environ d’un pied ; en la débouchant le vin du tuyau descendoit jusqu’à la hauteur d’environ trente-deux pieds depuis la surface de l’eau du vaisseau, à laquelle il demeuroit suspendu, laissant au haut du tuyau un espace de treize pieds vuide en apparence : et en inclinant le tuyau, comme alors la hauteur du vin du tuyau devenoit moindre par cette inclination, le vin remontoit jusqu’à ce qu’il vinst jusqu’à la hauteur de 32. pieds : et enfin en l’inclinant jusqu’à la hauteur de trente-deux pieds, il le remplissoit entièrement en resuçant ainsi autant d’eau qu’il avoit rejetté de vin ; en sorte qu’on le voyoit plein de vin depuis le haut jusqu’à treize pieds prés du bas, et remply d’eau dans les treize pieds inférieurs parce que l’eau est plus pesante que le vin.

Il y fit encore un grand nombre de toutes sortes d’experiences avec des Siphons, Seringues, Soufflets et toutes sortes de tuyaux, de toutes longueurs, grosseurs et figures, chargez de differentes liqueurs comme vif argent, eau, vin, huile, air, etc.

Il les fit imprimer en l’année 1647 ; et en fit un petit livret qu’il envoya par toute la France, et ensuite dans les pays étrangers, comme en Suede, en Holande, en Pologne, en Allemagne, en Italie et de tous les costez, ce qui rendit ces experiences celebres parmy tous les sçavants de l’Europe.

Cette mesme année 1647. Monsieur Pascal fut averty d’une pensée qu’avoit euë Toricelli que l’air estoit pesant, et que la pesanteur pouvoit estre la cause de tous les effets qu’on avoit jusqu’à lors attribuez à l’horreur du vuide. Il trouva cette pensée tout à fait belle ; mais comme ce n’estoit