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ŒUVRES

seule religion qui fut un digne objet de l’esprit de l’homme ; que c’estoit une des preuves de la bassesse où il a esté reduit par le peché, de ce qu’il pouvoit s’attacher avec ardeur à la recherche de ces choses qui ne peuvent de rien contribuer à le rendre heureux ; Et il avoit accoûtumé de dire sur ce sujet Que toutes ces sciences ne le consoleraient point dans le temps de l’affliction ; mais que la science des veritez chrestiennes le consoleroit en tout temps, et de l’affliction, et de l’ignorance de ces sciences[1].

Il croyoit donc que s’il y avoit quelque avantage et quelque engagement par la coutume de s’instruire de ces choses et d’apprendre ce que l’on en peut dire de plus raisonnable et de plus solide, il estoit absolument necessaire d’apprendre à ne les priser que leur juste prix ; et que s’il estoit meilleur de les sçavoir en les estimant peu, que de les ignorer, il valoit beaucoup mieux les ignorer que de les sçavoir en les estimant trop, et en s’y appliquant comme à des choses fort grandes et fort relevées.

C’est pourquoy, encore que ces deux traitez fussent tout prests à imprimer il y a plus de douze ans, comme le sçavent plusieurs personnes qui les ont veus dés ce temps là[2], il n’a jamais neanmoins voulu souffrir qu’on les publiât, tant par l’éloignement qu’il a toûjours eu de se produire, qu’à cause du peu d’estat qu’il faisoit de ces sciences.

Mais il n’est pas étrange que ses amis qui se voyent privez par la mort de l’esperance de plusieurs ouvrages tres conside-

  1. Voir la Vie écrite par Mme  Perier, supra, t. I, p. 69.
  2. Voir la lettre écrite par Chapelain à Chr. Huygens (15 oct. 1659) sur Pascal : « Il a une quantité d’autres Traittés prests à donner de Problèmes curieux, mais qu’il tient supprimés avec assés de cruauté. Peu à peu l’on gaignera sur luy qu’il les souffre paroistre. On en avoit formellement esperé celuy qu’il avoit fait du vuide duquel il publia il y a sept ou huit ans une esbauche. Mais la devotion et ses infirmités l’ont retenu jusqu’icy de l’abandonner un jour. » (Œuvres de Huygens, 1889, t. II, p. 496 ; cf. Lettres de Jean Chapelain, Paris, 1883, t. II, p. 61).