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CONCLUSION DES TRAITÉS

bien veritable, mais encore à cinquante, cent, mille, et autant qu’on voudroit, sans aucunes bornes.

Ils ont creu de mesme, qu’il n’est pas seulement difficile de separer deux corps polis appliquez l’un contre l’autre, mais que cela est absolument impossible ; qu’un Ange, ny aucune force creée, ne le sçauroit faire, avec cent exaggerations que je ne daigne pas rapporter ; et ainsi des autres.

C’est une erreur de fait si ancienne, qu’on n’en voit point l’origine ; et Heron mesme, l’un des plus anciens et des plus excellens Auteurs qui ont écrit de l’élevation des eaux, dit expressément, comme une chose qui ne doit pas estre mise en doute, que l’on peut faire passer l’eau d’une rivière par dessus une montagne pour la faire rendre dans le vallon opposé, pourveu qu’il soit un peu plus profond, par le moyen d’un Siphon placé sur le sommet, et dont les jambes s’étendent le long des coteaux, l’une dans la riviere, l’autre de l’autre costé ; et il assure que l’eau s’élèvera de la rivière jusques sur la montagne, pour redescendre dans l’autre vallon, quelque hauteur qu’elle ait.

Tous ceux qui ont écrit de ces matieres ont dit la mesme chose ; et mesme tous nos Fonteniers asseurent encore aujourd’huy qu’ils feront des Pompes aspirantes qui attireront l’eau à soixante pieds, si l’on veut[1].

  1. L’affirmation de Pascal est inexacte. Salomon de Caus avait, dès 1615, signalé la limite que « la nature de la machine » opposait à l’ascension de l’eau ; il ajoutait, d’ailleurs, qu’avec une machine à