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CONCLUSION DES TRAITÉS

fait les mesmes efforts pour éviter le vuide, que si elle en avoit de l’horreur ; De sorte qu’au sens de ceux qui parlent de cette sorte, c’est une mesme chose de dire que la nature abhorre le vuide, et dire que la nature fait de grands efforts pour empescher le vuide. Donc, puisque j’ay monstré qu’elle ne fait aucune chose pour fuir le vuide, il s’ensuit qu’elle ne l’abhorre pas ; car, pour suivre la mesme figure, comme on dit d’un homme qu’une chose luy est indifferente, quand on ne remarque jamais en aucune de ses actions aucun mouvement de desir ou d’aversion pour cette chose, on doit aussi dire de la nature qu’elle a une extréme indifference pour le vuide, puisqu’on ne voit jamais qu’elle fasse aucune chose, ny pour le chercher, ny pour l’éviter. (J’entends toujours par le mot de vuide un espace vuide de tous les corps qui tombent sous les sens.)[1].

Il est bien vray (et c’est ce qui a trompé les Anciens) que l’eau monte dans une Pompe quand il n’y a point de jour par où l’Air puisse entrer, et qu’ainsi il y auroit du vuide, si l’eau ne suivoit pas le Piston, et mesme qu’elle n’y monte plus aussitost qu’il y a des fentes par où l’Air peut entrer pour la remplir ; d’où il semble qu’elle n’y monte que pour empescher le vide, puisqu’elle n’y monte que quand il y auroit du vide.

Il est certain de mesme qu’un soufflet est difficile à ouvrir, quand ses ouvertures sont si bien bou-

  1. Voir l’Avertissement de l’édition de 1663, p. 279.