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ŒUVRES

tient l’eau suspenduë dans les tuyaux bouchez par en haut, nous ferons voir un exemple entierement pareil d’une suspension semblable causée par le poids de l’eau, qui en découvrira parfaitement la raison.

Et, premierement, on peut dire d’abord que cet efiet est entierement compris dans le precedent ; car comme nous avons montré que le poids de l’Air fait monter l’eau dans les Seringues, et qu’il l’y tient suspenduë, ainsi le mesme poids de l’Air tient l’eau suspendue dans un tuyau. Afin que cet effet ne manque pas plus que les autres d’un autre tout pareil à qui on le compare : nous dirons qu’il ne faut pour cela que se remettre ce que nous avons dit dans l’Equilibre des liqueurs (Fig. IX), qu’un tuyau long de dix pieds ou plus, et recourbé par en bas, plein de mercure, estant mis dans une cuve pleine d’eau, en sorte que le bout d’en haut sorte de l’eau, le mercure demeure suspendu en partie au dedans du tuyau ; sçavoir, à la hauteur où il peut contrepeser l’eau qui pese au dehors ; et que mesme une pareille suspension arrive dans un tuyau qui n’est point recourbé, et qui est simplement ouvert en haut et en bas, en sorte que le bout d’en haut soit hors de l’eau.

Or, il est visible que cette suspension ne vient pas de l’horreur du vuide, mais seulement de ce que l’eau pesant hors le tuyau, et non pas dedans, et touchant le mercure d’un costé, et non pas de l’autre, elle le tient suspendu par son poids à une certaine hauteur : aussi si l’on perce le tuyau, en sorte que l’eau y puisse entrer, incontinent tout le mercure