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ŒUVRES

Et si on veut encore quelque chose de plus touchant, qu’on oste le Piston, et qu’on verse de l’eau dans le tuyau, jusqu’à ce que l’eau qu’on aura mise au lieu du Piston, pese autant que le Piston mesme : il est sans doute que la mouche ne sentira non plus le poids de cette eau que celuy du Piston. D’où vient donc cette insensibilité sous un si grand poids dans ces deux exemples ? Est-ce que le poids est d’eau ? Non ; car quand le poids est solide, elle arrive de mesme. Disons donc que c’est seulement parce que cet animal est environné d’eau, car cela seul est commun aux deux exemples ; aussi c’en est la veritable raison.

Aussi s’il arrivoit que toute l’eau qui est au-dessus de cet animal vint à se glacer, pourveu qu’il en restât tant soit peu[1] au dessus de luy de liquide, et qu’ainsi il en fût tout environné, il ne sentiroit non plus le poids de cette glace, qu’il faisoit auparavant le poids de l’eau.

Et si toute l’eau de la riviere se glaçoit, à la reserve de celle qui seroit à un pied prés du fonds, les poissons qui y nageroient ne sentiroient non plus le poids de celle glace, que celui de l’eau où elle se resoudroit ensuite.

Et ainsi les animaux dans l’eau n’en sentent pas le poids ; non pas parce que ce n’est que de l’eau qui pese dessus, mais parce que c’est de l’eau qui les environne.

  1. Bossut au-dessus.