Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
TRAITÉ DE L’ÉQUILIBRE DES LIQUEURS

de tous costez, n’y peut faire d’impression sensible, parce qu’il fait arcade de tous costez.

On voit aussi que cet animal n’est point comprimé ; et pourquoy ? sinon par la mesme raison pour laquelle le balon plein d’air ne l’est pas. Et enfin on voit qu’il ne sent aucune douleur, par la mesme cause.

Que si on mettoit au fond de ce tuyau de la paste au lieu d’eau, et le balon et cette mouche dans cette paste, en mettant le Piston dessus et le pressant, la mesme chose arriveroit.

Donc puisque cette condition d’estre pressé de tous costez, fait que la compression ne peut estre sensible ny douloureuse, ne faut il pas demeurer d’accord que cette seule raison rend le poids de l’eau insensible aux animaux qui y sont ?

Qu’on ne dise donc plus que c’est parce que l’eau ne pese pas sur elle-même, car elle pese partout également[1] ; ou qu’elle pese d’une autre maniere que les corps solides[2], car tous les poids sont de mesme nature ; et voici un poids solide qu’une mouche supporte sans le sentir.

  1. Allusion à la théorie soutenue par le P. Mersenne contre Stevin : « Præterea, cum nullum corpus aquæ tam gravitate quam mole par in aqua ponderet, atque adeo nulla vis ad illud sustinendum requiratur, certum est etiam aquam in aqua gravitatis æqualis nihil ponderare » (loc. cit. p. 205).
  2. Peut-être est-ce une allusion à la réponse faite par Descartes à Mersenne, dans sa lettre du 16 octobre 1689 : « Je ne me souviens pas de la raison de Stevin, pourquoy on ne sent point la pesanteur de l’eau quand on est dessous ; mais la vraye est qu’il ne peut y avoir qu’autant d’eau qui pese sur le cors qui est dedans ou dessous, qu’il y en auroit qui pourroit descendre, en cas que ce corps sortist de sa place. »