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TRAITÉ DE L’ÉQUILIBRE DES LIQUEURS

les ouvertures, elle seront en Equilibre. D’où il paroist qu’un Vaisseau plein d’eau est un nouveau principe de Mechanique, et une machine nouvelle pour multiplier les forces à tel degré qu’on voudra, puis qu’un homme par ce moyen pourra enlever tel fardeau qu’on luy proposera.

Et l’on doit admirer qu’il se rencontre en cette Machine nouvelle cet ordre constant qui se trouve en toutes les anciennes ; sçavoir : le levier, le tour, la vis sans fin, etc., qui est, que le chemin est augmenté en mesme proportion que la force[1]. Car il est visible que, comme une de ces ouvertures est centuple de l’autre, si l’homme qui pousse le petit Piston, l’enfonçoit d’un poulce, il ne repousseroit l’autre que de la centiéme partie seulement[2] ; car comme cette impulsion se fait à cause de la continuité de l’eau[3] ;

  1. Comme M. Duhem l’a fait remarquer, ce principe est implicitement appliqué par Galilée (Les Méchaniques, traduction de Mersenne, 1634, p. 57) ; il est explicitement dégagé par Descartes dans ses communications de 1637 à Constantin Huygens (Œuvres, t. I, p 443) et de 1638 à Mersenne (ibid. II, p. 223). L’expression de chemin est employée par Galilée ; Descartes écrit hauteur, vide infra, p. 164. La notion de force, que Mersenne entendait encore au sens métaphysique de la scolastique, est parfaitement élucidée par Descartes dans sa lettre à Mersenne du 15 novembre 1638. Œuvres, t. II, p. 432, apud Duhem les Origines de la Statique, t. I, p. 339 sqq.
  2. L’application du principe des vitesses virtuelles à l’équilibre d’un liquide contenu dans deux vases communicants, tel que Benedetti en avait défini la loi en 1585, avait été faite en 1612 par Galilée : Discorso intorno alle cose, che stanno in su l’acqua che in quella muovono (Revue générale des Sciences, 30 juillet 1905, p. 605).
  3. « C’est par l’étude des liquides, écrit M. Mach, que s’est formée pour la première fois l’idée d’un continuum physique mécanique ». La mécanique, trad. Bertrand, 1904, p. 101.