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DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR

discussion ; nous n'avons aucune indication positive qui vienne à l'appui d'un nom autre que celui de Pascal.

Dans ces conditions, les présomptions que peut fournir la critique interne prennent une importance décisive. Or ces présomptions, d'un accord qui est quasi unanime entre les critiques, sont favorables à l'attribution que nous a transmise le copiste anonyme. Non que l'on n'ait hasardé d'hypotbèse divergente. Comme M. Henri Chantavoine l'a fait remarquer avec beaucoup de finesse, on peut penser à Méré: une collaboration de Pascal à un recueil de maximes auquel on aurait travaillé vers 1653 dans le cercle du chevalier serait la chose la plus vraisemblable du monde. On pourrait penser également à une imitation par quelqu'un des écrivains de second ordre auxquels Bridieu appliquait l'épithète de Pascalins[1] ; les analogies nombreuses du Discours avec les Pensées s'expliqueraient ainsi de la façon la plus élégante. Mais ces hypothèses gravitent encore autour du nom de Pascal ; elles ne prendraient de consistance que si, pour des raisons de convenance esthétique ou psychologique, on pouvait retirer le Discours à Pascal. Mais c'est ici que la contestation est faible, comme dit Émile Faguet. M. Giraud, qui estime avoir « des présomptions très fortes » contre l'hypothèse de l'attribution à Pascal, conclut pourtant sa discussion par ces mots : « Ni littérairement, ni même moralement, le Discours n'est assurément indigne de l'auteur des Pensées, voilà tout ce que l'on peut dire. » Or, répondrons-nous, il suffit qu'on puisse dire cela pour que, — réserve faite d'une découverte future qui fournirait une preuve définitive dans un sens ou dans l'autre — un écrit, attribué par les manuscrits au seul Pascal, soit considéré comme une œuvre de Pascal.

  1. Voir l'article déjà cité de M. Griselle. Nous trouvons dans le même manuscrit, sous la signature de Dirois, un type singulier de groupement pascalin : « MM. Arnauld, Paschal, Méré, du Bois, delà Chaise, Perier » (p. 523).