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DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR

maire sur les écrivains de Port-Royal : « Messieurs de P.-R. n'ont excellé en rien ; ce sont mes arriere-escoliers. » Il n'en reste pas moins que l'évolution intellectuelle de Pascal ne saurait être comprise si l'on ne se réfère avec insistance à l'intervention de Méré et de Miton. Pascal leur a dû d'approfondir, à une heure décisive, son expérience de la pensée libre et de la vie libre. Le monde ne sera pas, pour l'auteur des Pensées, ce que veut la peinture conventionnelle des prédicateurs : un lieu de corruption et de perdition, le théâtre des abominations ; c'est une réunion d'esprits distingués, chez qui les sentiments naturels étaient relevés par la délicatesse de l'éducation, qui reflétaient dans leur conversation les nuances les plus subtiles de l'âme, qui trouvaient leur plus grand plaisir à gagner et à retenir les cœurs, « se mettant, comme disait Méré et comme dit Pascal aussi, à la place de ceux à qui on veut plaire. » Et cela Pascal ne l'oubliera certes ni en écrivant ses Réflexions sur l'Art de persuader, ni en rédigeant spécialement à l'adresse des libertins des fragments d'apologie de la Religion, comme l'argument du Pari ; la lettre qu'il

    (1740, p. 300) avec l'homme sans religion, et où il aurait prédit le miracle de la Sainte-lapine (Voir notre édition des Opuscules et Pensées, 4e édit. 1907, p. 255) : « Ce qu'il trouve à redire dans le miracle de P.-R., c'est la manière dont ils en ont été frappés » (p. 69). En revanche, d'après le manuscrit, Méré n'aurait revendiqué dans les Pensées qu'un seul fragment de lui: « De cette pensée que M. Pascal a prise à M. le Chevalier : un Roy, un procureur, etc. Je croyois que M. Pascal estoit le moins larron de tous les hommes: je me trompois, il y a encore des tesmoins » (p. 56). Le piquant, et ce qui avait peut- être attiré l'attention de Méré, est que dans sa Préface Étienne Perier cite et commente ce texte pour donner une idée du caractère obscur et inachevé des fragments des Pensées (Voir dans la note de notre édition des Pensées, 1904, t. III, p. 287, le texte du passage correspondant de Méré : De l'éloquence et de l'entretien, 3e discours). Dans la Revue de Fribourg, juillet 1907, Pascal et les Pascalins d'après des jugements contemporains. M. Eugène Griselle a signalé, d'après un curieux manuscrit de la Bibliothèque Nationale, cette note de l'archidiacre Bridieu : ce M. Pascal a fait ses fragmens contre huit esprits forts du Poitou, qui ne croyoient point en Dieu. »