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INTRODUCTION

I

Sous ce titre : Fait inédit de la Vie de Pascal, François Collet publiait en 1848 une étude fort curieuse sur une anecdote contée par le chevalier de Méré quinze ans seulement après la mort de Pascal : « Je fis un voyage avec le D. D. R., qui parle d'un sens juste et profond, et que je trouve de fort bon commerce. M. M., que vous connoissez et qui plaist à toute la Cour, estoit de la partie ; et parce que c'estoit plùtost une promenade qu'un voyage, nous ne songions qu'à nous réjouir, et nous discourions de tout. Le D. D. R. a l'esprit mathématique et, pour ne se pas ennuyer sur le chemin, il avoit fait provision d'un homme d'entre deux âges, qui n'estoit alors que fort peu connu, mais qui depuis a bien fait parler de luy. C'estoit un grand Mathématicien, qui ne savoit que cela. Ces sciences ne donnent pas les agremens du monde ; et cet homme qui n'avoit ny goust, ny sentiment, ne laissoit pas de se mesler en tout ce que nous disions, mais il nous surprenoit presque toujours et nous faisoit souvent rire. Il admiroit l'esprit, et l'éloquence de M. du Vair, et nous rapportoit les bons mots du Lieutenant Criminel d'O ; nous ne pensions à rien moins qu'à le desabuser : cependant nous luy parlions de bonne foy. Deux ou trois jours s'estant écoulez de la sorte, il eut quelque défiance de ses sentimens, et ne faisant plus qu'écouter, ou qu'interroger, pour s'éclaircir sur les sujets qui se presentoient, il avoit des tablettes qu'il tiroit de tems en tems, où il mettoit quelque observation. Cela fut bien remarquable, qu'avant que nous fussions arrivez à P... il ne disoit presque rien qui ne fust bon, et que nous n'eussions voulu dire, et sans mentir, c'estoit estre revenu de bien loin.