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LETTRE DE JACQUELINE PASCAL A M. PERIER 101

occasion; elle est unique, mon cher frère, ne la laissons pas passer sans en tirer tout le fruit que Dieu demande. Je crois qu'il attend de nous plus qu'une résignation ordi- naire, et que nous ne pouvons pas, sans estre ingrats des faveurs qu'il a faites à la malade depuis plusieurs années, nous contenter de souffrir qu'il reprenne ce qu'il nous avoit preste, si nous ne luy offrons nous mesmes, et si nous ne voulons bien qu'il la recompense des services continuels qu'elle s'est efforcée de luy rendre. Je vous supplie de luy demander cette grâce pour moy comme je le fais pour vous ; et comme je sçay que Dieu est proche des affligez et qu'il escoute favorablement leurs prières, j'y joins mon pauvre frère, et je vous supplie d'en faire au- tant, afin que Dieu daigne de se servir de cette affliction pour le faire rentrer dans luy mesme et luy ouvrir les yeux sur la vanité de toutes les choses du monde. Ce doit estre une consolation bien sensible pour ma chère sœur et pour ^ nous que Dieu luy ait, par sa grâce, donné cette lumière longtemps avant que de luy en donner l'expérience, et à nous en sa personne. Je le supplie de ne pas permettre qu'elle et nous nous affoiblissions assez dans notre affliction pour oublier une faveur si particu- lière; et si nous l'avons profondement gravée dans la mé- moire, de ne pas permettre que nous en soyons ingrats en refusant de donner lieu à l'espérance qu'elle nous per- met de concevoir, et par conséquent à la consolation que. nous en devons tirer.

Ne vous estonnez pas, je vous prie, de me veoir parler comme n'ayant plus d'espérance de sa santé. Je vous l'ay dit dez l'abord ; et quoy que je ne sois pas dans la der- nière affliction comme si j'estois certaine démon mal, je

I. Cousin donne vous, leçon du manuscrit 12988.

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