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si grand intervalle que l’on voudra : pourveu qu’il n’y ait point d’autre obstacle à leur separation, ny à leur esloignement, que l’horreur que la Nature a pour le vuide.

En suite je respons aux objections qu’on y peut faire, dont voicy les principales :


objections


i. Que cette proposition, qu’un espace est vuide, repugne au sens commun21.

2. Que cette proposition, que la Nature abhorre le vuide, et neantmoins l’admet, l’accuse d’impuissance, ou implique contradiction.

3. Que plusieurs experiences, et mesme journalieres, montrent que la Nature ne peut souffrir du vuide.

4. Qu’une matière imperceptible, inoüye et incognuë à tous les sens, remplit cet espace22.

21. En travaillant plus tard à son « chapitre sur les Puissances trompeuses », Pascal se souviendra de ce sens commun dont on faisait l’arbitre des discussions scientifiques. Ms. des Pensées, fo 367, sup. II, fr. 82. « Parce, dit-on, que avez cru dès l’enfance qu’un cofre estoit vuide lorsque vous n’y voyez rien, vous avez cru le vuide possible. C’est une illusion de vos sens, fortifiée par la coutume, qu’il faut que la science corrige. » Et les autres disent : « Parce qu’on vous a dit dans l’Escolle qu’il n’y a point de vuide, on a corrompu vostre sens commun, qui le comprenoit si nettement avant cette mauvaise impression, qu’il faut corriger en recourant à vostre première nature. » Qui a donc trompé ? les sens ou l’instruction ? »

22. Voir les allusions de Descartes à ce passage, infra, 165 et p. 408.