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396 ŒUVRES

dans les esprits. C'a esté le sujet d'une grande partie de mes prières depuis quelque temps, j'entends de ces prières qui ne sont qu'un désir du cœur, comme dit M. de Saint-Giran. Je t'en prie derechef, car j'affec- tionne cela infiniment et pour Dieu seul ce me semble, c'est à dire afin qu'il ne se fasse ou pense rien contre son ordre. Si je te voyois, je te dirois tout cela avec joye de pouvoir ouvrir mon cœur. Dieu ne veut pas que j'aye cette consolation; qu'il en soit beny : je tascheray à ne le pas vouloir aussy tant qu'il ne le voudra pas. Les chrestiens ont cet avantage que s'il leur est défendu de s'abandonner aux plaisirs du monde, il leur est aussy dé- fendu de s'attrister des malheurs qui y arrivent ; et mes- me il leur est commandé de s'en rejouïr ; et comme les uns sont sans difficulté plus fréquents que les autres, leur joye est bien plus continuelle. Aussy, N. S. J. G. dit que personne ne la leur pourra osier, et en effet il faut dire comme l'Apostre dit sur un autre sujet : « Qui pourra affliger celuy à qui les maux tiennent lieu de joyes? »

Quand je m'aperceois qu'il semble que je te veuille instruire, ce qu'à Dieu ne plaise que j'entreprenne ainsi sans raison ni mission, il me souvient d'avoir ouy dire un beau mot à M. Singlin : « Que lorsque nous prions Dieu, ce n'est pas pour le faire ressouvenir de nos besoins qu'il sait tous, comme dit J. G., mais pour nous en souvenir nous mesmes. » Je te dis la mesme chose une fois pour toutes, afin que cela te demeure dans l'esprit. Prie Dieu pour moy, mais tout de bon ; rends luy aussy grâces pour tous, et pour mon frère quelques prières et quelques actions de grâces particulières. Je te mande tout ce qui me vient à la pensée. Encore un coup, prie Dieu pour lïioy : j'en ay besoin. Prie le qu'il passe l'esponge pour

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