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ŒUVRES

de l'air; seule, la quantité d'air introduite a une influence sensible sur le phénomène. Pour réfuter l'autre thèse Pascal imagine des expériences plus compliquées, qu'il met en scène avec un art consommé. Il a deux tubes de 40 pieds, qu'il attache à un mât de navire, dans la cour de la Verrerie, l'un sera rempli d'eau, l'autre de vin. Mais avant de répéter l'expérience devant le public, il prend à partie ses adversaires, il leur demande de déclarer d'avance le résultat qui découle de leur théorie. Le vin est certainement plus spiritueux que l'eau, la colonne devin sera donc moins haute que la colonne d'eau ; seulement c'est l'inverse qui se produit. Les deux séries d'expériences convergent vers une même loi d'équilibre. S'il s'interdit toute spéculation prématurée, du moins dès les expériences de Rouen Pascal a-t-il dans sa pensée rattaché ses observations sur le vide aux conditions générales de l'Equilibre des Liqueurs ; la lettre à de Noyers ne nous laisse aucun doute sur ce point, et elle est confirmée par la lettre à Perler du 15 novembre 1647, infra, p. 154.

Mais, avant que Roberval eût rédigé son Récit, la portée des expériences de Pascal avait été soulignée par un professeur de Rouen, Pierre Guiffart, dans son Discours du Vuide. Il est remarquable que la position de Guiffart soit exactement celle à laquelle Pascal a voulu se tenir dans les Expériences nouvelles de 1647 : « Par toutes ces raisons et ces expériences, nous concluons, que la Nature quelque aversion qu'elle aye contre le Vuide, et quoy qu'elle fasse pour l'empescher, elle peut estre souvent contrainte de le souffrir, et qu'en cela comme en ses autres actions, sa force est limitée, et que non seulement les Anges, mais aussi les hommes le luy peuvent aisément faire souffrir ; et ainsi qu'il n'est point besoin pour cet effect, que le grand Maistre de toutes choses y employé sa toute puissance[1]. »

Si l'on songe au Fragment de Préface sur le Vide (infra,

  1. I. Ch. XI, p. 171.