Page:Œuvres de Blaise Pascal, II.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
PREMIÈRE NARRATION DE ROBERVAL SUR LE VIDE

tane, eust deux pieds deux poulces de hauteur : car il faudroit que pour les quatre livres de vif-argent qui feroient les deux pieds deux poulces dans le bas de la sarbatane, quand elle est perpendiculaire ; si elle estoit abaissée approchante de la tangente de la terre, qu'il s'y en trouvast plus de vingt et un million six cens mille livres pour la remplir : Puisque cette diagonale est plus longue qu'aucun costé du parallélogramme: on demande si le reste qui paroistroit vuide en cette sarbatane, pourroit bien en attirer et eslever de dedans le canal une si grande quantité pour remplir ce long espace[1].

Troublé par l'expérience dont il avait été témoin, Pierius s'était ressaissi en se référant aux principes scolastiques qui ne permettent pas aux anges eux-mêmes, dont la force est encore limitée, d'effectuer un vide réel : ce serait faire violence à la nature, et la résistance de la nature est illimitée. Dans sa Dissertation sur le vide, il invoque une certaine raréfaction et une certaine condensation grâce auxquelles le corps peut changer de volume sans avoir à admettre ou à exclure aucun corpuscule ; d'autre part, l'humidité du mercure, du vin, de l'eau — substances que Pascal employait déjà dans ses expériences — explique qu'il se produise une émission de vapeurs dans le haut du tube barométrique.

C'est à travers la lettre de Roberval qu'il convient d'étudier la double série d'expériences instituée par Pascal vers les mois de janvier et de février 1647 pour répondre à la double objection qu'on lui opposait, tirée l'une de la raréfaction de la matière, l'autre des esprits volatils. Tout d'abord, il montre que le phénomène demeure exactement le même, de quelque façon que l'on fasse varier la zone du vide apparent en élevant ou en inclinant le tube. Si on introduit une bulle d'air, le niveau du mercure s'abaisse un peu, mais indépendamment encore de l'espace laissé libre pour la raréfaction

  1. P. 289 sqq.