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BIOGRAPHIES

saire auprez de luy, elle se retiroit dans son cabinet où elle estoit prosternée en larmes, priant sans cesse pour luy, comme elle me l’a dit elle-mesme. Enfin, nonobstant tout cela, Dieu en disposa selon sa volonté, et mon pere mourut le 24 septembre. On nous le fit sçavoir à l’heure mesme ; mais comme j’estois en couches[1], nous ne pumes estre à Paris qu’à la fin du mois de novembre. Dans cet intervalle, mon frere, qui estoit sensiblement affligé, et qui recevoit beaucoup de consolation de ma sœur, s’imagina que sa charité la porteroit à demeurer avec luy au moins un an, pour luy aider à se resoudre dans le malheur. Il luy en parla, mais d’une maniere qui faisoit tellement voir qu’il s’en tenoit asseuré, qu’elle n’osa le contredire de crainte de redouter sa douleur, de sorte que cela l’obligea de dissimuler jusques à nostre arrivée[2]. Alors elle me dit que son intention estoit d’entrer en reli-

  1. De Louis Perier, né le 27 septembre. — Voir la très intéressante étude de M. Élie Jaloustre : Un neveu de Pascal : Louis Perier. — Le cas de conscience, Clermont-Ferrand, 1906.
  2. Auparavant cependant Jacqueline Pascal avait été, du jeudi 2 novembre au dimanche 5, à Port-Royal. La mère Agnès écrit à la sœur Marie Dorothée de l’Incarnation le Conte, « du jour de la Saint-Charles », 4 novembre 1651 : « Les deux filles qui sont entrées sont mademoiselle Pascal et la dame de madame de la Bessieres… Pour mademoiselle Pascal, encore que M. Singlin eût résolu qu’elle n’entreroit point, M. de Rebours l’a emporté. On lui mit l’habit le jour de la fête, en suite de quoi elle a été à tout l’office et au réfectoire, sans qu’il ait esté besoin de la conduire, car elle a tout à l’heure compris le son de la cloche et les chemins, en sorte qu’on la prendroit pour une ancienne postulante, mais simple comme un enfant et sans aucune façon. Je l’ai déjà mortifiée à la conférence de ce qu’elle avoit les jambes l’une sur l’autre ; elle l’a reçu à merveille ; c’est dommage qu’elle n’est en état d’avoir un voile noir, puisque tout le reste y est. Elle s’en retourne dimanche au soir pour leurs affaires. M. de Rebours vouloit qu’on la retînt ; mais M. Singlin, pour imiter la sagesse de Dieu, veut que tout se fasse suavement et sans effort. » Lettres, 1858, t. I, p. 203.