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du Thessalien Scopas ? Des meubles de sa maison on lui en demandait un, que l'on pensait ne pas lui servir et être pour lui du superflu : « C'est précisément, dit-il, par ce superflu que nous sommes heureux et fortunés, et non par la possession du nécessaire. » S'il en est ainsi, répondrai-je, prenez-y garde. Vous semblez moins louer la vie que ce qui sert à la pompe et à l'ostentation. Notre fête nationale des Dionysiaques se célébrait jadis de la manière la plus simple et la plus gaie. On voyait paraître une amphore pleine de vin et un cep de vigne. Puis venait un homme qui traînait un bouc ; un autre suivait, portant un cabas de figues ; et la marche était fermée par le Phallus. Aujourd'hui l'on méprise cette simplicité, et toute trace en a disparu. Ce sont des vases d'or, des tapis somptueux que l'on étale aux regards, des attelages, des costumes sous lesquels on se déguise. De même, ce qu'il y a de nécessaire et d'utile dans la richesse disparaît sous l'inutile et le superflu.

[9] Nous sommes presque tous comme Télémaque. Par inexpérience, ou plutôt par défaut de jugement, ce jeune prince, qui voyait la maison de Nestor pourvue de lits, de tables, de vêtements, de tapis, de vin agréable, ne songeait pas à trouver heureux un prince qui possédait le nécessaire, ou, si l'on veut même, l'utile. Puis ayant contemplé dans le palais de Ménélas l'ivoire, l'or, ainsi que d'autres métaux précieux, il est frappé d'admiration et il s'écrie :

« C'est ici le palais du souverain des cieux.
Que de riches trésors éblouissent mes yeux ! »

Mais Socrate aurait dit, ou bien encore Diogène :

« Que d'objets superflus ici choquent mes yeux !
Que d'inutilités ! J'en ris, et c'est le mieux. »

Qu'est-ce à dire, homme dépravé ! Lorsque tu devrais interdire à ta femme cette pourpre et ces parures afin d'étouffer en elle l'amour du luxe et une passion furieuse pour ce qui vient de l'étranger, tu embellis au contraire ta maison,