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En guise de rides ou de cheveux blancs prématurés, cette richesse te donne les soucis de l'âme, en même temps qu'elle t'a condamné à l'amour de l'or et à une vie constamment occupée. Désormais en ton cœur est tarie la source de la joie, ainsi que celle des pensées généreuses et bienfaisantes.

[8] « Mais, dira quelqu'un, ne voyez-vous pas des gens faire emploi de leurs richesses jusqu'à la prodigalité. » Nous leur répondrons : « Et vous, ne savez-vous pas qu'Aristote a dit : « Les uns usent et les autres abusent. » De cette manière ni les uns ni les autres n'agissent convenablement. Ceux-ci ne savent ni profiter de leur fortune ni s'en faire honneur, ceux-là y trouvent la ruine et l'infamie. Du reste, examinons les choses à leur principe. L'emploi de la richesse, l'usage qui la fasse admirer, quel est-il ? Est-ce le soin de se procurer le suffisant ? À ce compte, l'opulence n'est pas plus avancée que la médiocrité. Dès lors, selon l'expression de Théophraste, « la richesse n'est plus richesse », et elle ne mérite véritablement pas d'être un objet d'envie, si Callias, le plus opulent des Athéniens, Isménias, le plus riche des Thébains, ont eu à user des mêmes choses que Socrate et qu'Epaminondas. Comme Agathon interdisait la salle du festin au joueur de flûte et le renvoyait aux femmes, pensant que les entretiens des convives suffisaient ; de même, on aura le droit de renvoyer ces tapis de pourpre, ces tables somptueuses et tout ce superflu, quand on verra les riches user des mêmes choses que les pauvres. On se gardera, à la vérité, de dire :

« Laissons oisif le joug au-dessus du foyer.
Que le mulet, le bœuf cessent de travailler ».

Mais les orfèvres, les ciseleurs, les parfumeurs, les cuisiniers, dont l'art devient inutile, seront l'objet d'une édifiante et sage proscription. Au contraire, tout en reconnaissant que ce qui suffit à la nature est commun au pauvre aussi bien qu'au riche, prétendez-vous que le mérite de la richesse doive consister dans le superflu ? Louez-vous cette parole