Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/642

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taches de naissance, de quelques irrégularités, devraient se rappeler que leurs premières découvertes en ce genre ne leur ont jamais procuré ni agrément ni profit.

[11] Le meilleur moyen de détourner cette passion, c'est de la combattre par une accoutumance contraire. En commençant de loin que l'on s'exerce, que l'on apprenne à devenir son maître. Car les progrès du mal croissent avec l'habitude, et prennent peu à peu des développements considérables. Ce que nous savons sur la manière de se réformer ainsi par l'exercice, nous allons l'exposer incidemment. Nous commencerons par les cas les moins compliqués et de moindre importance. Est-il bien difficile de se défendre de lire sur son chemin les épitaphes des tombeaux ? Est-il bien pénible dans ses promenades de détourner sa vue de ce qui est écrit sur les murs ? On se dira que ces écritures n'offrent rien d'utile ou d'agréable. C'est un tel qui consacre une mention laudative à un tel : « Il est le plus dévoué des amis. » La plupart des inscriptions sont aussi insignifiantes que celle-là. Il semble qu'il n'y ait pas d'inconvénient à ces sortes de lectures ; et cependant elles sont nuisibles sans qu'on s'en aperçoive, parce qu'elles nous donnent l'habitude de nous occuper de ce qui ne nous regarde pas. Comme le chasseur ne laisse pas à ses chiens la liberté de se détourner et de suivre toute odeur, mais qu'il les mène en laisse et qu'il les retient, afin de conserver à leur odorat toute sa finesse et toute sa précision pour ce qui est leur affaire propre, c'est-à-dire afin de les attacher avec plus d'ardeur « À suivre avec leur nez la trace de la bête » ; de même, il faut interdire au curieux ces excursions et ces écarts à travers les objets qui frappent ses yeux ainsi que ses oreilles, et l'en distraire pour le ramener aux choses utiles. Car, comme les aigles et les lions replient