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Quand ils s'y hasardent de temps en temps, c'est pour examiner les vignes du voisin plus attentivement que les leurs propres ; c'est pour s'informer du nombre de bœufs morts chez lui, du nombre de ses pièces de vin qui ont tourné. Aussitôt qu'ils ont fait ample provision de semblables nouvelles ils décampent. Le vrai cultivateur n'accueille même pas avec plaisir les propos qui viennent le trouver de la ville. Il dit :

« Voilà que le drôle, en sarclant ma terre,
Me parle de paix, me parle de guerre.
Maudit curieux ! Il n'en finit pas ».

[8] Oui : les curieux fuient le séjour de la campagne comme languissant, froid et stérile en événements tragiques. C'est aux marché des échantillons, à la place publique, sur le port, qu'ils se précipitent. « N'y a-t-il rien de nouveau ? » — « Eh quoi ! n'étiez-vous pas ce matin sur la place ? » — « Eh bien ? » — « Eh bien ! en trois heures pensez-vous que la ville ait changé de face ? » Que quelqu'un ait une nouvelle à produire, voilà notre curieux qui descend de cheval, lui serre la main, l'embrasse, et se place devant lui pour l'écouter. Si au contraire celui qu'il a rencontré déclare ne rien savoir de nouveau, notre homme parait mécontent. « Que dites-vous ? murmure-t-il. Vous n'avez donc pas été sur la place ? Vous n'avez pas poussé jusqu'au Tribunal des Stratéges ? Vous n'avez pas rencontré ceux qui arrivent d'Italie ? » J'approuve ce que firent un jour les magistrats des Locriens. Un homme qui revenait de voyage ayant demandé s'il n'y avait rien de nouveau, ils le condamnèrent à l'amende. Comme les cuisiniers souhaitent une extrême abondance de gibier, et les pêcheurs, des poissons en grande quantité, de même