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l'étourderie ne connaît pas de frein, qu'aux hommes dont la parole nette et précise renferme un grand sens sous une petite quantité de mots. Voilà ceux que loue Platon. Les comparant à d'habiles archers, il dit que leur langage est précis, serré et rapide comme un trait. Ce fut en comprimant dès leur bas âge les Lacédémoniens par le silence, que Lycurgue leur assura une si grande supériorité, parce qu'il fit d'eux des hommes concis et énergiques. Comme les Celtibériens donnent au fer sa finesse et sa solidité en l'enfouissant dans la terre, où il se dépouille de ce qu'il a de grossier et de terreux, de même la parole laconienne n'a pas d'écorce. Dégagée de tout superflu, elle y gagne en énergie et en portée. Ce langage sentencieux qui était propre aux Lacédémoniens, cette tournure vive et rapide qu'ils donnaient à leurs réponses dans l'occasion, étaient le résultat d'une longue habitude du silence.

Ce sont là les mots qu'il faut faire apprécier surtout aux bavards. Telle est cette parole : « Les Lacédémoniens à Philippe : Denys à Corinthe. » Une autre fois Philippe leur ayant écrit : « Si j'entre en Laconie, je vous anéantirai », ils lui répondirent : « Si. » Le roi Démétrius s'écriait avec indignation : « Quoi ! les Lacédémoniens ne m'ont envoyé qu'un ambassadeur ! » L'ambassadeur répondit sans s'émouvoir : « Un pour un. »

On cite encore avec éloge les exemples de concision offerts par les Anciens. Sur le frontispice du temple d'Apollon Pythien ce ne fut ni l'Iliade, ni l'Odyssée, ni les hymnes de Pindare qu'inscrivirent les Amphictyons, mais : « Connais-toi toi-même. » — « Rien de trop. » — « À côté de l'engagement, l'expiation. » On admirait ces paroles brèves et rapides, qui sous une petite expression renfermaient un