Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/611

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pour aller briser contre un abîme ou plonger dans un profond et terrible danger l'imprudent qui l'a émise.

« Les sapins de l'Ida peuvent d'une étincelle
Être enflammés... Aussi rapide est la nouvelle
Que jette dans la ville un parleur importun. »

[11] Le sénat romain délibérait sur une affaire secrète, et il tenait depuis plusieurs jours des séances à huis clos. C'était un profond mystère, qui donnait lieu à toutes sortes de conjectures. Une femme, très honnête d'ailleurs, mais femme après tout, pressait son mari et le suppliait de lui révéler l'affaire. Elle multipliait les serments et les imprécations ; elle se répandait en larmes de désespoir parce que son époux n'avait pas confiance en elle. Le Romain voulut confondre une si grande curiosité : Madame, lui dit-il, vous triomphez. Vous allez apprendre un secret aussi terrible que surprenant. Les prêtres nous ont annoncé qu'ils avaient vu une alouette voler avec un casque d'or et une pique. Nous approfondissons un tel prodige pour savoir s'il est favorable ou funeste, et nous en conférons avec les devins. Mais gardez-moi le silence. Cela dit, il gagne la place publique. Voilà la femme qui sans perdre de temps tire à part la première des servantes qui entrent. Elle se frappe la poitrine, elle s'arrache les cheveux. « Quel malheur ! dit-elle, c'en est fait de mon époux. C'en est fait du pays. Qu'allons-nous devenir ! » Son seul but était de mettre la suivante sur la voie, pour que celle-ci lui demandât ce qui était arrivé. La fille l'ayant donc questionnée, la maîtresse dit tout, et ajouta le refrain habituel des bavards : « N'en parle à personne, sois muette. » L'autre ne l'a pas plus tôt quittée, qu'elle rencontre précisément une de ses camarades qui n'avait rien à faire, et elle lui confie la chose. Cette fille en donne avis à son amant lorsque celui-ci vient la voir. De cette façon la nouvelle se répand sur la place publique,