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n’aimera un homme, par rapport aux choses où il est inutile ?

— Il ne me semble pas, dit-il.

— Si donc tu deviens savant, mon enfant, tout le monde t’aimera, tout le monde s’attachera à toi ; car tu seras utile et bon. Sinon, personne ne t’aimera, ni ton père, ni ta mère, ni tes proches. Dès lors a-t-on le droit, Lysis, d’être fier de choses auxquelles on ne s’entend pas encore ?

— Comment cela se pourrait-il ? dit-il.

— Alors, si tu as besoin d’un maître, tu n’es pas encore instruit ?

— C’est vrai.

— Tu n’es donc pas fier, puisque tu es encore ignorant.

— Non, par Zeus, Socrate, me répondit-il, je ne crois pas l’être. »

VII. — Là-dessus je tournai les yeux vers Hippothalès et je faillis faire une sottise ; car il me vint à l’idée de lui dire : Voilà, Hippothalès, comment il faut s’entretenir avec celui qu’on aime, en rabattant et restreignant son amour-propre, et non pas, comme tu le fais, en le gonflant d’orgueil et en le gâtant. Mais le voyant agité et troublé de ce qui venait d’être dit, je me rappelai que, tout en assistant à l’entretien, il désirait n’être pas vu de Lysis. Je me ressaisis donc et je retins ma langue.

A ce moment Ménexène revint et s’assit près de Lysis à la place qu’il avait quittée. Alors Lysis, avec une gentillesse tout enfantine, me dit tout bas en cachette de Ménexène : « Répète à Ménexène, Socrate, ce que tu m’as dit à moi. »

Je lui répondis : « Tu le lui répéteras toi-même, Lysis, car tu m’as prêté toute ton attention.

— Oui, toute, répondit-il.

— Tâche donc, lui dis-je, de te rappeler de ton mieux, afin de lui redire tout avec exactitude ; si quelque chose t’échappe, tu me le redemanderas à notre première rencontre.

— Je tâcherai, Socrate, répondit-il, et je ferai de mon mieux, tu peux y compter. Mais entame avec lui quelque