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— Sans doute.

— Et si son fils avait les yeux malades, le laisserait-il toucher ses yeux lui-même, sachant qu’il n’entend rien à la médecine, ou l’en empêcherait-il ?

— Il l’en empêcherait.

— Mais nous, s’il nous croyait habiles en médecine, nous pourrions, je pense, si nous voulions, lui ouvrir les yeux et y jeter de la cendre ; il ne s’y opposerait pas, persuadé que nous aurions raison de le faire.

— C’est vrai.

— N’en ferait-il pas de même en toutes choses, et ne s’en remettrait-il pas à nous plutôt qu’à lui-même ou à son fils en toutes les matières où nous lui paraîtrions plus habiles qu’eux ?

— Nécessairement, Socrate, répondit-il.

VI. — Tu vois donc ce qu’il en est, mon cher Lysis, lui dis-je : pour les choses où nous serons passés maîtres, tout le monde s’en rapportera à nous, Grecs et barbares, hommes et femmes, et nous en userons à notre guise, sans que personne y mette obstacle volontairement ; c’est un domaine où nous serons libres, où nous commanderons même aux autres, et ce domaine sera notre bien, puisque nous en tirerons profit. Mais pour les choses dont nous n’aurons pas acquis la connaissance, personne ne nous permettra d’en user à notre fantaisie ; tout le monde au contraire s’y opposera autant qu’il le pourra, et non seulement les étrangers, mais encore notre père et notre mère et ceux qui pourraient nous toucher encore de plus près ; nous serons ici forcés d’obéir à d’autres, et ces choses seront pour nous des choses étrangères, car nous n’en tirerons aucun profit. M’accordes-tu qu’il en est ainsi ?

— Je te l’accorde.

— Mais nous ferons-nous amis avec quelqu’un et quelqu’un nous aimera-t-il par rapport aux choses où nous ne serons d’aucune utilité ?

— Non, certes, dit-il.

— Ainsi ton père n’aimera même pas son fils, ni personne