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réprimandent jamais et ne mettent aucun obstacle à tes désirs ?

— Si, par Zeus, ils en mettent, Socrate, et ils me défendent même beaucoup de choses.

— Que dis-tu ? repris-je. Ils veulent que tu sois heureux et ils t’empêchent de faire ce que tu veux ? Mais dis-moi un peu : si tu voulais monter sur un des chars de ton père et prendre les rênes, un jour de course, ils ne te laisseraient pas faire ? ils t’en empêcheraient ?

— Non, par Zeus, dit-il, ils ne me laisseraient pas faire.

— Pourquoi donc ?

— C’est qu’il y a un cocher payé par mon père.

— Que dis-tu ? Ils permettent à un mercenaire plutôt qu’à toi de faire ce qu’il veut des chevaux, et ils le payent encore pour cela ?

— Pourquoi pas ? dit-il.

— Mais l’attelage des mulets, ils te permettent, je pense, de le conduire, et si tu voulais prendre le fouet et les frapper, ils te laisseraient faire ?

— Comment veux-tu qu’ils me laissent faire ? dit-il.

— Mais quoi ? dis-je, personne n’a-t-il le droit de les frapper ?

— Si fait, dit-il, le muletier.

— Est-ce un esclave ou un homme libre ?

— C’est un esclave, dit-il.

— Et ils font plus de cas, paraît-il, d’un esclave que de toi, leur fils, et ils lui confient ce qui leur appartient plutôt qu’à toi, et ils lui laissent faire ce qu’il veut, et toi, ils t’en empêchent ? Mais dis-moi encore : Te laissent-ils te gouverner toi-même ou te refusent-ils aussi cette liberté ?

— Comment me la laisseraient-ils ? répondit-il.

— Alors quelqu’un te commande ?

— Mon pédagogue que voici, répondit-il.

— C’est un esclave ?

— Sans doute, et il est à nous, dit-il.

— C’est un peu fort, dis-je, d’être commandé par un esclave quand on est un homme libre. Mais en quoi ton gouverneur te commande-t-il ?