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que la sagesse consistait à faire ses propres affaires ; autrement il serait vraiment trop sot. Mais peut-être est-ce un nigaud qui t’a donné cette définition, Charmide ?

— Pas du tout, dit-il ; il passait même pour un très habile homme.

— Il ne fait donc pas de doute, à mon avis, qu’il ne t’ait proposé une énigme, dans la persuasion qu’il était difficile de savoir ce que ce peut être que de faire ses propres affaires.

— C’est possible, dit-il.

— Qu’est-ce donc que cela pourrait bien être, de faire ses propres affaires ? Pourrais-tu le dire ?

— Moi, dit-il. Je n’en sais rien, par Zeus, mais il est bien possible que même celui qui l’a dit n’ait pas su ce qu’il voulait dire. »

Et tout en disant cela, il riait malicieusement et lançait un regard à Critias.

X. — Il était visible que Critias s’agitait depuis un moment et brûlait de se distinguer devant Charmide et la compagnie. Il avait eu jusqu’alors de la peine à se contenir ; à partir de ce moment il n’en fut plus le maître. Je crois que le soupçon que j’avais eu était parfaitement fondé, que c’était de Critias que Charmide tenait cette définition de la sagesse. Alors Charmide, qui n’avait pas envie d’en donner lui-même l’explication et voulait s’en décharger sur son cousin, cherchait à l’exciter et se donnait l’air d’un homme battu. Critias n’y tint plus, et je le vis s’emporter contre lui comme un poète contre un acteur qui a mal joué sa pièce. Il darda un regard sur lui et dit :

« Ainsi, tu crois, Charmide, parce que tu ne comprends pas la pensée de celui qui a dit que la sagesse consistait à faire ses propres affaires, qu’il ne la comprend pas non plus, lui ?

— Eh ! excellent Critias, dis-je, il n’y a rien d’étonnant à ce que ce garçon, à l’âge qu’il a, ne la comprenne pas ; mais toi, il est à présumer que tu la comprends, étant