Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 9.djvu/392

Cette page n’a pas encore été corrigée

le comble de l’étourderie et peut-être de la perfidie, de faire la guerre à des saints d’argent. mais, qui pouvait prévenir ces désordres, si ce n’était un général tout-puissant ? Quant aux commissaires du Conseil exécutif, contre lesquels il a paru sévir, qui les avait nommés, si ce n’est son propre parti ? N’étaient-ils pas l’ouvrage de Rolland et des ministres coalisés avec le généralissime Dumouriez ? [1]

Ni les déclamation, ni les ordres sévères de ce général intrigant contre un Cheppi[2] et contre d’autres créatures de la même faction ne prouveront jamais qu’il n’était point d’intelligence avec eux. Pour exécuter ce projet d’empêcher la réunion de la Belgique à la France, il fallait que la faction employât à-la-fois des agens qui s’appliquassent à mécontenter les Belges, et un général qui profitât de ce mécontentement pour les éloigner à jamais de notre révolution. On parle des

  1. Robespierre analyse ici le lettre de Dumouriez à l’Assemblée, le 12 mars. Cette lettre, remise à Bréard qui présidait alors en l’absence de Gensonné, le 14, était une véritable déclaration de guerre à la Convention. Certains contemporains la jugèrent très « forte ». Delaroix et Albitte, la qualifièrent de « dictatoriale ». Bréard n’osa la lire publiquement et la porta au Comité de Défense générale. Un vif débat s’engagea : Barrère et Robespierre demandèrent qu’elle fût communiquée à l’Assemblée. Mais Delacroix s’opposa de toutes ses forces à cette lecture : « Si j’étais président, dit-il, je ne balancerai pas à garder la lettre ; dès que la Convention en aura connaissance, elle portera contre Dumouriez un décret d’accusation ; et j’aime mieux que ma tête tombe que celle du général. » Danton appuya énergiquement Delacroix, s’écriant que Dumouriez « a perdu la tête en politique », mais qu’il « conserve tous ses talents militaire ». « Il faut pourtant examiner sa conduite », interrompit Robespierre. « Il faut même l’arrêter », insinua Barère. — « Non, reprit Danton, nous ne devons prendre aucune mesure contre lui tant qu’il est en présence des ennemis et dirige la retraite de l’armée. Mais nous pouvons lui dépêcher un de ses amis, Gensonné ou Guadet ; nous pouvons, pour lui ôter tout soupçon, lui envoyer de commissaires qui seront pris dans les deux partis de la Convention. Ou nous le guérirons momentanément, ou nous le garoterons ». Le Comité de Défense générale approuva Danton et le chargea, ainsi que Delacroix, de se rendre auprès du général. « Je réponds, dit Danton, en partant de le faire rétracter avant huit jours, ou de vous l’amener pieds et poings liés ». (Mon. 3 avril, Jal des débats… Jacobins. 7 avril. A. Chuquet, La trahison de Dumouriez, p. 131-132)
  2. Pierre Paul Chepy était alors agent politique dans les Pays-Bas. Il avait été arrêté, par ordre de Dumouriez, le 11 mars, et envoyé, sous escorte, à Paris ; mais il fut bientôt remis en liberté (Arch. nat. F18 doss. 32. R. Delacheval : Un agent politique sous la Révolution : Pierre Chepy (1792-1803), Grenoble, 1890, in-8°, 80 p. B. N., Ln27 39. 562. Tourneux. IV, n° 22. 190. 22. 191.) Chepy et un autre commissaire du pouvoir exécutif, Chaussard, étaient accusés par Dumouriez d’avoir déployé, contre le clergé belge, un acharnement des plus maladroits. (Cf. Delachenal, p. 18-19)