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Séance du 10 avril 1793


par les intrigues des états-majors, et presque nulle; tous les chefs s'efforçoient à l'envi de la royaliser ; la ligue des tyrans étrangers se fortifioit ; l’époque du mois d’août ou de septembre étoit destinée pour leur invasion combinée avec la conspiration de la cour des Tuileries contre Paris et contre la liberté. C’en étoit fait de l’une et de l’autre, sans la victoire remportée par le peuple et les fédérés, le 10 août 1792 ; et lorsqu’au commencement du mois de septembre suivant, Brunswick, encouragé sans doute par la faction, osa envahir le territoire français, vous avez vu qu’ils ne songeoient qu’à abandonner et qu’à perdre Paris. [1]

Mais, en dépit de tous les factieux hypocrites qui s’opposoient cette insurrection nécessaire, Paris se sauva lui-même. Dumouriez étoit à la tête de l’armée : auparavant Brissot avait écrit de lui, qu’après Bonne-Carrère[2] , Dumouriez étoit le plus vil des hommes. Dumouriez avoit répondu, par écrit, que Brissot étoit le plus grand des fripons, sans aucune espèce de réserve. Il avoit affiché que la cause du courroux que la faction affectoit contre lui, étoit le refus qu’il avoit fait de partager avec elle les six millions qu’elle lui avoit fait accorder pour dépenses secrètes, dans le temps de son ministère et de leur amitié[3]. Ils annoncèrent des dénonciations réciproques, qui eurent point lieu. C’est encore un problème, à quel point cette rouillerie étoit sérieuse ; mais ce qui est certain, c’est qu’au moment où il prit le commandement de l’armée de Châlons, il étoit très-bien avec la faction et avec Brissot, qui le pria d’employer Miranda dans une commission importante [4], s’il en faut croire ce que Brissot a dit lui-même au Comité de défense générale. J’ignore ce qu’auroit fait Dumouriez, si Paris et les autres départemens ne s’étoient levés au mois de septembre pour écraser les ennemis intérieurs et extérieurs ; mais ce qui est certain, c’est que ce mouvement général de la nation n’étoit pas favorable au roi de Prusse pour pénétrer au cœur de la France ; Dumouriez l’éconduisit avec beaucoup de politesse, pendant une longue retraite assez paisible, en dépit de nos soldats, dont on

  1. Cf. A. Mathiez, La Révolution française, II, 16.
  2. Guillaume Bonne-Carrère (1745-1825) était un familier de Dumouriez qui, en 1792, l’avait fait nommer directeur au ministère des Relations extérieures. Suspect de relations avec la Cour, il fut inquiété après le 10 août ; mais aucune poursuite ne tut exercée contre lui.
  3. Dumouriez avait été nommé ministre des Relations exterieures le 12 mars 1792, puis de la Guerre le 13 juin.
  4. Cf. Parra-Perès, Miranda et la Révolution française